top of page

Pour le meilleur et pour le pire au travail, l'expérience de Vanessa

Dernière mise à jour : 19 nov. 2024

Pour le meilleur, d'abord.

Il y a quelques années, je suis responsable d’une équipe de travailleurs sociaux dans le secteur mutualiste. Le service met à disposition une ligne téléphonique grand public dans la cadre de la journée nationale des aidants, c’est notre contribution au collectif Je t’Aide depuis plusieurs années. C’est dans ce contexte qu’on me demande de répondre à l’interview de Roselyne Bachelot dans son émission sur RMC le jour même.


Cette demande me met dans un état de stress qui s’intensifie à mesure que l’heure approche. Ma collègue responsable du pôle de soutien psychologique, avec qui je partage le bureau, me propose une séance d’hypnose pour m’aider à me relaxer. Elle m’envoie une séance audio que j’écoute dans l’heure qui précède mon passage à l’antenne. Ensuite, elle rejoint les collègues du service qui ne sont pas en prise d’appel pour écouter l’émission dans un autre bureau. L’interview ne suit pas tout à fait les questions qui m’avaient été indiquées en amont et certaines sont gênantes au sens où on me demande mon opinion sur des sujets politiques. Cela dure seulement quelques minutes durant lesquelles je me sens comme en apnée. Lorsque cela se termine, je vois surgir dans le bureau mes collègues qui sourient, applaudissent et me félicitent.


Je me souviens avoir parlé de cette expérience avec enthousiasme à mes proches et avoir reçu des félicitations de ceux qui ont écouté l’émission en replay. Les émotions associées étaient donc très positives (et le sont encore) : joie, fierté et plaisir.


Dans la vie de l’équipe, j’ai le sentiment que cette interview est venue révéler et renforcer une cohésion déjà forte. Cet épisode a participé au récit d’une histoire commune au travail, parmi beaucoup d’autres. Cet évènement « extraordinaire » s’inscrit dans un « ordinaire » de partage au quotidien : les situations accompagnées, l’organisation du service, la vie de l’entreprise, l’actualité, la famille…


Au sein de l’entreprise, cela s’est révélé un non-évènement : je n’ai reçu aucun retour, de ma hiérarchie notamment. J’en ai été déçue car, à ma connaissance, c’était la première fois que l’entreprise était représentée dans un média national grand public.


Cette interview, aussi stressante qu’elle ait été, a contribué à me donner davantage confiance en ma capacité à prendre la parole en public dans une posture en adéquation avec le contexte. L’impact principal s’est progressivement révélé dans mon rôle de conseillère municipale d’opposition. J’ai gagné en sentiment de légitimité.

 

Pour le pire maintenant.


Quelque temps plus tard, le service doit bénéficier d’un réaménagement des bureaux pour faire face au développement constant du service. Quelques minutes avant le début d’une réunion avec les différentes parties prenantes, la nouvelle direction générale évoque la soirée de Noël de l’entreprise à venir avec son adjointe.


Elles semblent accorder beaucoup d’importance à la présence d’un maximum de salariés. En tant que responsable de service, j’ai d’ailleurs reçu plusieurs relances les semaines précédentes pour encourager les collègues de mon service à s’y inscrire. Dans les quelques minutes d’installation avant la réunion, on m’exprime du mécontentement car trop peu de collègues a déclaré son intention de participer. La direction générale adjointe ajoute que c’est un phénomène récurrent pour notre service, alors que le service a toujours été bien représenté les années précédentes.


Cela me semble alors doublement problématique : d’une part cela signifie que, bien que l’équipe se montre généralement « corporate », cela ne change pas la représentation d’un service satellite voire dissident ; d’autre part cela nie le contexte car les collègues viennent d’apprendre la réorganisation du service, à l’exact opposé de ce qui avait initialement été annoncé et selon le pire schéma pour l’équipe. Ces propos ont entériné une rupture avec la Direction. Depuis plusieurs mois, la communication était entravée par des représentations manifestement négatives sur les travailleurs sociaux (« communistes », « militants » …), elle est devenue impossible.


Cet échange a suscité des sentiments mêlés d’injustice, de colère et de dégoût qui, faute de place suffisante pour s’exprimer au travail, ont largement envahi les discussions avec mes proches. A cette période, d’autres expériences au travail sont venues renforcer ces sentiments, impactant l’ambiance au sein de mon foyer.


A moyen terme, cet évènement a contribué à une forme de repli fondé sur le sentiment que mes valeurs professionnelles, réelles ou supposées, me portaient préjudice. Il m’a fallu prendre acte que, même dans un milieu professionnel a priori en phase avec ces valeurs du fait de son histoire et de sa raison d’être, elles pouvaient ne pas être partagées. Au niveau professionnel, ce repli se traduit par un retour à une pratique d’accompagnement dans laquelle mes valeurs de travailleur social sont a minima respectées, au mieux valorisées.

Comentários


bottom of page