Pourquoi s'intéresser aux violences sociales ordinaires vécues sur le lieu de travail?
Il y a quelques années, je suis manager d’une équipe sociale dans une entreprise de l’ESS qui traverse des changements structurels. La décision de transformer le service en Direction vient d'être annoncée lors d'un évènement d'entreprise et un prestataire est choisi pour définir avec nous l’organisation répondant aux besoins de l'équipe à court terme et aux enjeux de développement à moyen terme.
La remise du rapport du prestataire intervient quelques semaines plus tard dans un contexte de changement de direction générale et ne répond pas à la commande initiale. J'interpelle alors ma hiérarchie pour savoir si les orientations ont changé. Il m'est répondu que non. Lorsque je pointe les signaux qui m’amènent à me questionner, la réponse est renouvelée dans les mêmes termes Durant cet échange, je me sens méprisée dans ma compréhension du contexte et ma capacité à entendre les raisons de ce revirement.
Les premiers échanges avec la nouvelle direction générale confirment pourtant que la décision de transformer le service social en direction n'est a minima pas connue voire plus d'actualité. Lorsque j'aborde finalement le sujet, c'est la piste du quiproquo que ma hiérarchie et la nouvelle direction générale utilisent. J’exprime alors mon besoin de restaurer la confiance mais la posture est maintenue. Mon poste, tel qu'il existait, disparaissant dans la nouvelle organisation, il m'est proposé un nouveau poste dans une autre direction.
Dans un premier temps, un sentiment de colère et d’injustice s’est emparé de moi. Ensuite, j’ai pris conscience que j’avais perdu confiance en la parole de ma hiérarchie. Finalement, c’est ce qui m’a amenée à quitter l’entreprise. In fine, non seulement le service social n’a pas été transformé en direction mais il a été, une nouvelle fois dans son histoire, rattaché à une direction opérationnelle. Cette décision a été très violente pour l’équipe. Sur les 16 collègues présentes à cette époque, 9 ont quitté l’entreprise pour cette raison.
Cette expérience m’a marquée durablement. Ce vécu a impacté les autres types de relations sociales avec une forme de contagion du sentiment de perte de confiance à l’égard de mes semblables qui a limité transitoirement mon implication dans les différentes dimensions de la vie sociale.
Cela illustre les violences aussi invisibles qu’ordinaires qui peuvent jalonner nos parcours professionnels et alimenter un sentiment de méfiance voire de défiance. C’est pourquoi, j’ai à cœur de travailler la question suivante : «Comment ces violences ordinaires vécues dans les organisations de travail impactent elles la cohésion sociale ? »
Comments