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Le vécu d'Anouk, à l'origine de notre démarche

Dernière mise à jour : 28 avr. 2023

Pourquoi nous intéresser à cette question du lien entre reconnaissance sociale et organisation de travail ?


Deux souvenirs d’enfance.


Le premier en lien avec le licenciement brutal subi par mon grand-père maternel à cinquante ans passés qui l’avait contraint de se mettre à son compte pour essayer tant bien que mal de de maintenir les ressources financières du foyer. Bien qu’enfant, je percevais, à travers le discours familial sur cet évènement, la violence avec laquelle il avait été vécu : le mépris avec lequel on avait « jeté » mon grand-père hors de l’entreprise, sans considération et sans contrepartie, et l’enjeu à retrouver une activité professionnelle pour retrouver sa dignité.


Le second souvenir se situe du côté paternel : mes oncles, dont la majorité étaient ouvriers, employés dans la même usine locale, assujettis au roulement « en 3 huit ». Pas de perspective d’évolution, juste tenir pour supporter la fatigue du corps et l’abrutissement des gestes répétés à l’identique. Et l’intériorisation d’une infériorité sociale que l’organisation de travail leur renvoyait en continu, et qui annihilait toute prétention à défendre leurs droits. En revanche ici, pas d’expression du ressenti, juste l’acceptation de leur condition.


Ces deux souvenirs familiaux ont contribué à forger ma représentation des rapports sociaux, et notamment à saisir la violence des inégalités de condition. Et à pressentir comment la position dans l’organisation de travail impacte le reste de la vie sociale.


Mais cette question résonne également au regard de mon propre parcours professionnel.


Comment trouver sa place, c’est-à-dire être reconnue comme suffisamment compétente pour être légitimée à participer au corps social. J’ai toujours envisagé ma place dans le travail sous l’ange de l’utilité : être utile aux autres, mettre mes compétences au service d’un projet commun de société, et apporter ma pierre à l’édifice, en toute modestie. D’où mon choix de travailler dans des structures associatives de l’intervention sociale. D’où également une absence totale de plan de carrière, ou de projection professionnelle. La reconnaissance dans mon travail, je l’avais par l’intermédiaire des personnes que j’accompagnais et des équipes avec lesquelles j’étais amenée à travailler. C’était une forme d’engagement, que j’avais choisi.


A l’occasion d’un nouveau projet de famille, j’ai déménagé en lâchant mon travail pour m’installer dans une région où je n’avais aucun réseau ni amical, ni professionnel. Malgré une reprise d’étude réussie en ingénierie sociale, et une montée en compétence technique, impossible de retrouver un emploi pérenne. Et de là, le doute qui s’installe puis un basculement sur le repli sur soi, un isolement construit petit à petit pour éviter les questions des amis ou des voisins du genre « et toi tu travailles dans quoi ? ». Ne pas parvenir à retrouver un travail, cela voulait dire que je n’étais plus utile. Par conséquent, l’attribution des indemnités chômage était vécue comme une humiliation ultime. Finalement, c’est via le statut d’autoentrepreneur que j’ai tenté de retrouver une certaine reconnaissance sociale : s’accrocher au mirage de l’actif « acteur de son destin professionnel». Sans être dupe, c’était tout de même un peu plus facile à afficher.


Et puis finalement un réseau qui se reconstitue peu à peu, des rencontres clés, une participation à des projets intéressants… le sens de l’action, et la confiance en soi qui reviennent peu à peu. Une période très complexe, violente, mais qui a amorcé mon questionnement sur l’importance de la reconnaissance sociale, la place du travail dans ce processus de reconnaissance.

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